Protesta popular
Imider.-Nous vivons à l ’âge de pierre: au fin fond du Maroc, des hommes, femmes et
enfants protestent depuis des mois contre une société qui exploite, près de leur village, l ’une des plus grandes mines d ’argent
d ’Afrique dont ils veulent partager les bienfaits matériels.
A deux kilomètres d ’Imiter, un village berbère niché au pied du Haut Atlas marocain (sud),la
Société métallurgique d ’Imiter (SMI), filiale du groupe Managem, indirectement contrôlée par un holding de la famille royale, exploite ce gisement depuis 1969 et produit chaque
année plus de 240 tonnes d ’argent.
Mais depuis août, des centaines de jeunes, femmes, enfants et personnes âgées tiennent un sit-in au sommet du
mont Ablan, face à la mine, où se trouve le principal puits qui alimente depuis 2004 la mine en eau.
Nous avons fermé les vannes de ce puits pour protester contre notre misère. Regardez autour de vous: on vit à
l ’âge des pierre. Cela fait 7 mois qu ’on est là avec nos enfants. On n ’a pas d ’hôpital, pas de route, ni d ’école pour nos enfants, déclare à l ’AFP Moha
Ouberka, l ’un des habitants qui travaille à la mine.
Les habitants ne profitent pas de cette mine. Il n ’y a pas un seul hôpital dans toute la région. Le plus
proche est à Ouarzazate, à 200 km d ’Imiter, selon le député de la région, Ahmed Sadqi.
La SMI a généré en 2010 un chiffre d ’affaires de 74 millions d ’euros, et un document interne
indique que la mine d ’Imiter place le Maroc au premier rang des producteurs d ’argent en Afrique.
Les manifestants demandent que 75% des recrutements soient réservés aux habitants de la région, mais la
société juge cette demande irréaliste.
Nous leur avons proposé que 60% des recrutements d ’ouvriers soient réservés aux gens de la région, mais
ils ne veulent rien entendre, affirme Youssef El Hajjam, l ’un des directeurs du groupe Managem.
Le recrutement des cadres obéit à une procédure transparente qui s ’effectue au niveau du siège, à
Casablanca, selon lui.
La mine cristallise les frustrations des habitants de cette région parmi les plus pauvres du pays, et est
emblématique des tensions sociales qui touchent le royaume, et se manifestent parfois par des actes de violences.
assèchement de la nappe phréatique
Les villageois disent également souffrir de l ’asséchement de la nappe phréatique à cause de
l ’utilisation massive de l ’eau pour le traitement du minerai, notamment après le creusement en 2004 du puits que les villageois ont fermé.
Depuis 2004, l ’eau de nos puits a considérablement baissé. Nous sommes de petits agriculteurs depuis la
nuit des temps et on n ’a plus d ’eau alors que notre région était connue pour la richesse de sa nappe, s ’indigne Moha Ouberka.
Un document réalisé pour le compte de la commune d ’Imiter par le bureau d ’études Innovar, dont
l ’AFP a obtenu une copie, précise que les débits en eau dans cette région ont connu une baisse importante entre juin 2004 et août 2005, avec des régressions, dans certains cas, de
61% et 58%.
Mais selon M. El Hajjam, une étude d ’impact a été réalisée et il n ’y a pas de lien entre la nappe
exploitée et le système d ’irrigation. La SMI n ’a toutefois pas souhaité fournir cette étude.
L ’autre problème soulevé par les habitants d ’Imiter est l ’utilisation d ’eau polluée
pour le traitement du minerai. Selon eux, le stockage de cette eau après son utilisation n ’obéit pas aux normes de sécurité.
L ’année dernière une famille a perdu son troupeau de moutons qui a bu de cette eau, et la
SMI a été obligée de l ’indemniser pour éviter le scandale, explique Omar Moujane, un étudiant de ce village.
Mais selon M. El Hajjam, cette eau est recyclée dans des bassins appropriées et il n ’y a aucun risque à
ce niveau.
Sur le mont Ablan, à la fin de l ’après-midi, les villageois rejoignent les abris de fortune qu ’ils
ont dressés depuis août . Nous sommes déterminés. Nous n ’avons rien à perdre, souligne Brahim Oudaoud.
AFP
A Imider, un petit village berbère perdu du Sud marocain, à 200km de
Ouarzazate, la Société métallurgique d’Imider (SMI) exploite l'une des plus grandes mines d'argent d'Afrique. Une richesse dont les habitants ne voient que l'ombre. Privés d'hôpitaux,
de routes, d'écoles, ils affirment que de surcroît, la mine pollue leur eau et assèche la riche nappe phréatique de la région. Au détriment de leur petite agriculture de subsistance.
Trop, c'est trop. Les habitants d'Imider se sont révoltés contre la mine, qui appartient indirectement au puissant holding royal ONA. Ils ont fermés les vannes du puit et occupent le
terrain. Leurs revendications ? Que 75 % des postes de la mine soient réservés aux habitants de la région. Et que la SMI cesse de surexploiter la nappe phréatique et de rejeter une
pollution très toxique à base de mercure et de cyanure, utilisés pour le traitement du minerai.
Avec la direction, l'incompréhension semble totale : la SMI affirme que les demandes des habitants d'Imider sont irréalistes et les impacts de la mine, non prouvés.
Quoi qu'il en soit en réalité, le cas d'Imider pose la question des retombées des richesses du sol sur le territoire qui les a produits. Comment accepter qu'une région
produisant une telle fortune puisse se trouver à ce point à l'écart du développement, sans même une route et des infrastructures de base?